24 mars 2011

Chapitre 6 : Une belle et triste histoire

Venezia
— Regardez le jour se lève sur la lagune. Les premiers rayons du soleil vont chasser les ombres et les fantômes de la nuit. Aujourd’hui la journée sera magnifique. Cette brise d’ouest annonce un ciel bleu et limpide. Excusez moi, je vous en prie, mais je vais devoir me retirer. C’est l’heure à laquelle j’ai l’habitude de rédiger mon courrier. Nous reprendrons cette conversation durant le déjeuner.
Je vous laisse tous deux en compagnie d’Eleana, ma gouvernante. Elle vous servira des jus de fruits et des pâtisseries.

Eleana, arrivée discrètement, une petite mais énergique matrone aux cheveux noirs rassemblés en chignon sourit en entendant évoquer les desserts dont elle a seule le secret.

—Eleana, auriez-vous l’amabilité de préparer pour le déjeuner quelques unes de vos spécialités siciliennes. Je pense à vos Frittedda con carciofi, Fave e piselli Parmigiana di melanzane. Je sais, je ne devrais pas abuser de votre patience mais cela fait si longtemps que je n’ai pas goûté vos Pasta o niuru di siccia (nero di seppia) et vos Pescestocco alla Messinese. Je vous en prie, si vous ne voulez pas cuisiner pour moi faites le pour ces deux jeunes gens. Ils sont affamés de s’être levés de si bon matin. Et pour le dessert, vous fermerez les yeux quand vous dégusterez la Muffoletta ca ricotta d’Eleana.
— Vous savez bien que je ne peux rien vous refuser signore. Et j'aime vous voir vous mettre en appétit.
— C’est une cuisine rustique, bien qu’Eleana n’aime pas ce qualificatif.

Eleana rit de bon cœur consciente de la provocation et fait semblant de protester :
— La cuisine sicilienne est la meilleure au monde. Ce n’est pas vous signore, qui me dirait le contraire.

Da Vinci s’éloigne laissant Anselmo et Antonella seuls avec Eleana. Celle-ci se retire à son tour avec la promesse de revenir avec des sorbets et des jus de fruits glacés.

Anselmo
—Cet homme est malheureux. Anselmo se lève, regarde Venise qui se réveille dans un concert de cloches qui annoncent la prière du matin et récite à voix basse :

Seigneur, dans le silence de ce jour naissant. Je viens te demander la paix, la sagesse, la force. Je veux regarder aujourd'hui le monde avec des yeux tout remplis d'amour.

Antonella s’approche et lui prend la main.

Antonella
—Oui il est malheureux. Hier j’ai interrogé Eleana lors de notre arrivée. Elle n’a pu résister à mes questions. En fait je crois même qu’elle avait besoin d’en parler tant elle a de l’affection pour lui. C’est une longue histoire. Une histoire d’amour évidemment. Rien ne rend plus malheureux un homme. Pourtant c’est une histoire très ancienne.

—Ancienne? Interrogea Anselmo.

— Oui, il y a longtemps de cela, un amour impossible. Une bien belle et triste histoire. Rien ne rend un homme plus malheureux qu’un amour déçu. Il ne s’en est jamais remis. Je vais te la raconter avant qu’il ne revienne.

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